Le dahlia est une composée (ou astéracée) originaire d’Amérique centrale. Vaste famille botanique ! Sa fleur ressemble donc à une sorte de marguerite, du moins avant que les horticulteurs et hybrideurs ne s’en occupent. La hauteur des espèces botaniques ou cultivars horticoles varie de 30 cm (cultivars modernes type « Nippon » ou « Pulp Fiction ») à 4 m et plus (Dahlia imperialis ou D. excelsa).
Le dahlia possède des racines tubérisées caractéristiques appelées abusivement « tubercules » dont elles diffèrent cependant par le fait qu’un « tubercule » de dahlia n’a pas en lui-même le pouvoir de développer des tiges (contrairement au tubercule de la pomme de terre) ; de fait, les « tubercules » de dahlia ne sont que des racines épaissies pour stocker des réserves, et s’ils ne possèdent pas un fragment de collet, c’est-à-dire la base des tiges de la saison précédente, il n’en repartira pas de végétation car c’est le fragment de tige qui porte le bourgeon générateur. Néanmoins, l’appellation de « tubercule » est courante et plus commode que « racine tubéreuse », aussi l’utilisons-nous nous-mêmes journellement. Notons toutefois que ce terme recouvre deux réalités possibles : chez nous, c’est en général une jeune souche, c'est-à-dire un ensemble de jeunes racines tubéreuses autour de leur collet (par exemple les « tubercules » qu’on trouve dans les jardineries), alors que chez les anglo-saxons, c’est une racine tubéreuse unique artificiellement séparée de sa souche et comportant seulement un petit fragment du collet (toujours lui, avec son petit bourgeon !). On est parfois surpris en recevant un « tubercule » de dahlia en provenance d’Amérique du Nord !
La plupart des espèces botaniques se rencontrent sur les hauts plateaux mexicains, quelques unes provenant du Guatemala et de Colombie. C’est donc une plante des régions tropicales, mais tropicales d’altitude. C’est pourquoi toutes les espèces du genre Dahlia apprécient particulièrement nos régions dites tempérées marquées par une saison froide de repos végétatif.
HISTOIRE
En dehors d’une introduction hypothétique et en tout cas sans suite par la famille Montgolfier en 1712, nous retiendrons comme point de départ de la culture européenne du dahlia, un envoi du Mexique au Jardin botanique Royal de Madrid, en 1788. Le maître des lieux, l’abbé Cavanilles, l’y nomme en hommage au botaniste suédois Andreas Dahl. De l’Espagne, il se répand vite vers l’Angleterre (1798), la France (1802) et l’Allemagne (1803), trois pays où, abusé par son origine tropicale, on s’évertue d’abord à le cultiver en serre.
Le XIXème siècle voit se répandre une sorte de « dahliamania ». Très vite, en effet, à partir de trois types introduits initialement, les hybrideurs entrent en action et remportent de spectaculaires succès : la fleur blanche est obtenue dès 1807 par le comte Lelieur, à Saint-Cloud, près de Paris ; la fleur double en 1810 à Louvain en Belgique par M. Donkelaar. Ces variétés doubles sont dès 1812 à Paris ainsi qu’en Angleterre et en 1828 on en recense déjà plus de 400 cultivars ! Ces brillants résultats sont dus, outre le talent de sélection des jardiniers de l’époque, au fait que la majorité des espèces botaniques de dahlias, dont Dahlia variabilis qui a servi aux hybridations, sont octoploïdes, ce qui engendre une exceptionnelle diversité génétique (d’où d’ailleurs, le qualificatif de variabilis pour classer toutes les plantes issues des premiers croisements et devenues impossible à distinguer botaniquement.)
À quoi ressemblent ces premiers dahlias doubles ? Aujourd’hui on les qualifierait de « dahlias balles » : ce sont des sortes de sphères d’une dizaine de centimètres de diamètre, aux ligules courtes, larges et plus ou moins alvéolées. Mais elles sont portées par des plantes qui mesurent jusqu’à 2,50 m ! La taille « standard » actuelle des dahlias à grande fleur (autour d’1,20 m) est enfin obtenue en 1829 en Grande-Bretagne. En 1870, c’est par milliers que se comptent les cultivars horticoles de dahlias. Mais ils sont tous du même type et l’engouement commence à faiblir.
C’est alors que l’improbable entre dans la partie : en 1872, un néerlandais, M. Van Den Berg, reçoit un colis de végétaux de la part d’un ami établi au Mexique. Le voyage a été long et les plantes sont en très mauvais état. Toutefois, il parvient à sauver un « tubercule » de dahlia, qui, à l’été 1873 produit des inflorescences très différentes de ce que l’on connaissait à l’époque : les ligules en sont turbinées et pointues aux extrémités. M. Van Den Berg trouve que cette fleur étrange ressemble à celle d’un Cereus speciosissimus et le nomme « dahlia à fleur de cactus ». La botanique l’appelle Dahlia juarezii en l’honneur du président mexicain du moment. Il n’a jamais été retrouvé à l’état naturel et on suppose, sans en être certain, qu’il s’agissait d’un cultivar horticole.
En fait, D. juarezii ressemblait à ce que nous appellerions aujourd’hui un « dahlia semi-cactus », car ses ligules n’étaient que partiellement turbinées et restaient larges à leur base. Il fallut plusieurs années pour en obtenir des hybrides car D. juarezii était le premier dahlia à fleur vraiment pleine, sans organes reproducteurs féconds présents de façon systématique dans chaque fleur : il faut attendre la fin de saison pour que les précieux organes apparaissent au centre de certaines inflorescences. Mais des hybrides entre D. juarezii et les cultivars doubles anciens vont descendre tous les types de dahlias doubles que nous connaissons aujourd’hui : le dahlia cactus « vrai » est obtenu en Angleterre en 1892, le type « décoratif » à Lyon par M. Chrétien en 1893… Sans parler de balles et des pompons qui sont les héritiers plus directs (mais pas exclusivement) des dahlias doubles anciens. Les dahlias « à collerette » apparaissent quant à eux au parc de la Tête d’Or à Lyon en 1899, le dahlia nain en 1910, le dahlia à fleur d’orchidée en 1920.
Aujourd’hui, D. juarezii a été perdu. Des milliers de cultivars dits « dahlias anciens », il ne reste qu’une poignée, souvent cultivés anonymement dans des jardins familiaux ou assimilés aux balles et pompons dans les catalogues, si bien qu’il est difficile d’imaginer leur splendeur d’antan.
CLASSIFICATION
La classification des dahlias est très complexe (car les nombreux types sont évidemment interféconds) et différente selon les habitudes nationales. Pour tenter de ne pas augmenter inutilement cette complexité intrinsèque, les intervenants français, professionnels et amateurs (Société Française du dahlia et Société Nationale d’Horticulture de France) réunis à Malicorne le 6 octobre 2005 ont décidé d’adopter la classification américaine (traduite en français par les québécois), la plus utilisée, afin de faciliter les échanges internationaux, en particulier via internet.
Cette classification se réfère à la forme des fleurs (et pas à la taille de la plante) et ne compte pas moins de 19 types, qui, pour la plupart, se conjuguent en 5 tailles de fleurs.
Ce sont :
- Décoratifs formels (abréviation : FD) fleurs régulières à ligules larges et aplaties
- Décoratifs informels (ID) ligules larges, mais rubanées ou effilées à la pointe
- Semi-cactus (SC) ligules effilées et turbinées sur leur moitié terminale
- Cactus rayonnants, ou droits (StC) ligules droites, effilées et turbinées sur toute leur longueur
- Cactus incurvés (IC) ligules échevelées, effilées et turbinées sur toute leur longueur
- Laciniés, ou dentelles (LC) ligules fourchues
- Balles (BA) fleurs sphériques de plus de 8 cm de diamètre, ligules alvéolées
- Balles miniatures (MB) les mêmes en plus petit (entre 5 et 8 cm de diamètre)
- Pompons (P) les mêmes en miniature (moins de 5 cm de diamètre)
- Étoilés (ST) fleurs pleines à ligules turbinées de façon à montrer leurs revers, à l’inverse des cactus
- Fleurs de camélia (WL) ligules aplaties et arrondies, fleur souvent plate
- Fleurs de pivoine (PE) fleurs semi-doubles
- Fleurs d’anémone (AN) fleurs simples à rucher central
- À collerette (CO) fleurs simples ornées de pétaloïdes à la base de chaque ligule
- Simples (S) 8 ligules autour d’un centre de fleurons fertiles
- Simples mignons (MS) simples en miniature
- Fleurs d’orchidée (O) étoilés à fleurs simples
- Nouveautés à centre ouvert (NO) fleurs n’entrant pas dans les définitions des types précédents et possédant un centre de fleurons fertiles
- Nouveautés à fleurs pleines (NX) fleurs n’entrant pas dans les définitions des types précédents et possédant un centre plein
Quant aux tailles, les voici :
- Très grande fleur (abréviation : AA) diamètre supérieur à 25 cm
- Grande fleur (A) diamètre compris entre 20 et 25 cm
- Fleur moyenne (B) diamètre compris entre 15 et 20 cm
- Petite fleur (BB) diamètre compris entre 10 et 15 cm
- Miniature (M) diamètre inférieur à 10 cm
C’est compliqué ? Eh bien, vous n’êtes pas au bout de vos peines car certains types font exception : d’abord pour les balles, balles miniatures et pompons qui, compte tenu d’un éventail de tailles possibles différent, sont des types qui ont chacun une taille déterminée particulière, précisée ci-dessus dans le paragraphe « types ». Mais c’est vrai aussi du type « simples mignons » dont le diamètre maximum des fleurs ne doit pas dépasser 5 cm. C’est tout ? Oui, mais provisoirement… Jusqu’à ce que des nouveaux types insuffisamment représentés pour le moment et classés en NO ou NX ne s’autonomisent. Et en regardant bien, on les voit venir !
CULTURE
Le dahlia s’accommode de tous les types de sol. Veillez, plusieurs semaines avant de planter, à enrichir le terrain en épandant un engrais pauvre en azote (N), mais riche en phosphore (P) et en potasse (K), les proportions idéales étant ½ part d’azote pour 1 part de phosphore et une part (voire 2) de potasse. Un engrais « pour pomme de terre » convient parfaitement. Au début de la floraison, pour en améliorer la qualité, on peut fournir en sus un peu d’engrais liquide, type engrais pour géraniums. Mais, dans tous les cas, cessez tout apport d’engrais après le 15 août, car persévérer nuirait à la conservation des souches pendant l’hiver.
Le dahlia est une plante gélive, il ne doit donc être planté qu’après les derniers gels (autour de la mi-avril à Paris), dans une terre déjà réchauffée par le soleil, et de façon à ce que la partie supérieure du « tubercule » se trouve à une dizaine de cm de la surface au maximum. L’exposition doit absolument être le plein soleil. Ses besoins en eau sont stricts et constituent la contrainte principale de la culture du dahlia. De plus, ils varient selon l’avancement de la végétation : au printemps, alors que la plante ne possède pas encore ou peu de parties aériennes, et en automne lorsque la pousse est terminée, le dahlia craint l’excès d’eau. Ne jamais le planter dans un sol gorgé d’eau, il y pourrirait. Ne jamais arroser non plus les tubercules à la plantation si la terre est fraiche, vous risqueriez le.même déboire. Les arrosages commencent selon les conditions du sol dès que la végétation se développe. Par contre, dès l’apparition des premiers boutons, il faut arroser régulièrement et assez abondamment, jusqu’à la mi-septembre. Toute pluie d’été lui est très bénéfique. On en aura justement déduit que le climat méditerranéen ne lui convient guère.
Éloignez ou détruisez les limaces et colimaçons qui raffolent des jeunes pousses de dahlia, avant même qu’elles aient pointé hors du sol. Une fois développés, les dahlias à grandes fleurs doivent être tuteurés, au risque de casser à ras du sol au premier coup de vent, emportant souvent une partie du précieux collet. Pour obtenir des fleurs plus grandes et des pédoncules plus longs, il est conseillé d’éboutonner en ôtant les boutons latéraux d’un coup d’ongle bien placé, pour ne conserver que le bouton terminal de chaque tige.
Dès le premier gel, voire avant si les parties aériennes de la plante meurent ou si l’automne est très humide, il faut arracher les souches et les rentrer en cave ou dans un lieu non chauffé où la température oscille entre +1° et +12°, jamais davantage et bien sûr jamais moins, et où le taux d’hygrométrie est au moins égal à 80%. On procède en rabattant les parties aériennes à 10 cm du sol, puis en soulevant précautionneusement les souches à l’aide d’une fourche-bêche ou d’une bêche.
Vous aurez tout le loisir de séparer les souches pendant la mauvaise saison. Les souches trop volumineuses ne donnent pas de belles fleurs, n’hésitez pas à désolidariser les masses de tubercules en vous aidant d’un objet tranchant. Il importe juste de conserver un fragment de collet après chaque éclat, si petit soit-il. Une seule racine tubéreuse avec un tout petit morceau de base de tige suffira à produire une plante apte à fleurir la saison suivante.
…Et bientôt, votre jardin sera trop petit pour accueillir tous vos dahlias !
HYBRIDATION
Chez les composées, chaque « fleur » est en fait une inflorescence au sein de laquelle chaque « pétale » (ligule) est une fleur, ainsi que chaque petite masse jaune (fleuron fertile) formant le « cœur » jaune des variétés à fleurs simples ou creuses. Ici, les organes reproducteurs sont minuscules, au contraire de ceux des iris ou des hémérocalles.
Pour hybrider, on peut donc, bien sûr, procéder comme avec iris ou hémérocalles, et en s’aidant d’un fin pinceau prélever du pollen sur une inflorescence pour le déposer sur les pistils d’une autre. Mais outre la difficulté technique, encore faut-il avoir du pollen ! Car les dahlias à fleurs pleines ne possèdent plus de disque jaune central où prélever la semence mâle, sauf, irrégulièrement, en fin de saison. Quant aux ligules, si leurs organes femelles sont certes présents, ils sont la plupart du temps atrophiés et stériles. Il faut donc attendre septembre, voire octobre pour pouvoir agir.
Par ailleurs, comme spécifié plus haut, le dahlia est octoploïde. En conséquence, sa variabilité génétique est telle que toute hybridation relève d’une véritable loterie, et que ses résultats ont de fortes probabilités de ne pas combler les espoirs de l’hybrideur. Que ceux qui ont été surpris par les résultats d’hybridations de plantes tétraploïdes comme l’iris ou l’hémérocalle imaginent ce que vivent les hybrideurs de dahlias !
Aussi, rares sont ceux qui procèdent armés de leur petit pinceau. Même les professionnels pratiquent plus généralement l’hybridation « guidée », en plaçant des massifs de variétés à croiser côte à côte, puis en laissant le travail le plus délicat au bon soin des abeilles. Bien sûr, on peut aussi choisir une inflorescence creuse, la couper et la tapoter face contre face sur une autre inflorescence creuse d’une autre variété, déposant ainsi du pollen de la première sur les pistils de la seconde. Mais les abeilles font souvent mieux ! Conséquence : on ne connait pas la généalogie des dahlias aussi bien que celle des iris, hélas.
La fécondation ne pouvant s’effectuer sur les variétés à fleurs pleines que tard en saison, les fruits du dahlia ne mûrissent que rarement sur pied. Il faut les récolter avant l’arrachage et en faire terminer la maturation en intérieur, dans une pièce bien ventilée et peu chauffée. À la mi-janvier, on peut séparer les graines, qui ressemblent à des petites virgules peu avenantes, des bractées séchées, et les conserver dans des enveloppes en papier. Elles garderont leur pouvoir germinatif pendant environ 3 ans.
Le semis peut s’effectuer dès début mars en serre, ou début mai en pépinière ou même en place. La germination est facile, mais échelonnée : toutes les graines d’un même fruit ne germent pas en même temps, ne perdez donc pas patience ! La floraison a lieu dès l’année du semis pour tous les semis effectués en serre, et dans plus de la moitié des cas pour les semis en place. Le reste attendra la saison suivante.
RESSOURCES
Michel ROBERT « Le Monde des dahlias », Rodez, Ed. du Rouergue, 2003, 224 p., nombreuses photos couleurs; disponible auprès de l’auteur. |