Le "printemps des poètes" a débuté hier.
Le thème de cette année, "Enfances", évoque irrésistiblement le perce-neige, clair symbole de l'innocence, de l'enfance.
Voici donc un poème intitulé "La Perce-Neige". Poème émouvant évoquant des souvenirs d'enfance, ceux d'une petite fille dans une promenade fleurie "
par un beau matin du printemps embaumé". Cette petite fille, c'est la poète Marie Nodier, fille du poète Charles Nodier ("
le chantre, l'ami, le confident des fées, Ton père").
Le poème lui est dédié en 1836 par Jean Baptiste GINDRE DE MANCY (1797-1872). Cette même année 1836, Marie publiait justement un recueil de poèmes intitulé également "La Perce-neige".
Citation:
La Perce-Neige
À Madame Marie MENNESSIER NODIER
Au pied de ces côteaux où de nos monts sublimes
Par degrés s'abaissant viennent mourir les cîmes ;
Dans le discret abri du vallon bien-aimé
Où, par un beau matin du printemps embaumé,
Ta mère te trouva, tendre fleur fraîche éclose,
Bel enfant nouveau-né, dans un buisson de rose,
Où Philomèle aussi venait de se poser,
Et t'offrit, souriante, au paternel baiser,
Il est un bois touffu que chérissent les fées ;
Où, le soir, de pavots, de verveine coiffées,
Loin de tout œil profane, elles viennent sans bruit
Danser aux blancs rayons de l'astre de la nuit.
Là, sous leurs pieds s'étend un fin tapis de mousse,
L'ombrage est plus épais, la verdure plus douce,
Et, dans chaque saison, mille joyeuses fleurs,
Y mêlant leurs parfums, y joignant leurs couleurs,
Forment de cet enclos un gracieux parterre,
Les délices du ciel et l'amour de la terre.
Là, dès que Février voit sourire un beau jour,
Sylphides et Follets au fortuné séjour
Reviennent empressés, et, sous leur tiède haleine,
Du milieu des frimas qui blanchissent la plaine,
Soudain la Perce-Neige offre à l'œil étonné
Son calice de miel et son front couronné.
Là, le chantre, l'ami, le confident des fées,
Ton père, qui leur doit ses plus brillants trophées,
De son cher Quintigny, par un secret chemin,
Toute petite encor, te menait par la main,
Admirer avec lui la naissante merveille ;
Et, sur le frais calice et sur l'enfant vermeille
Son regard attendri se portant tour à tour,
Il confondait, ému d'un indicible amour,
La fleur de tes beaux ans, celle de la prairie,
Le printemps de l'année et celui de Marie ;
Doux rêve, qui du moins lui fut toujours permis !
Charmant espoir, qui lient tout ce qu'il a promis !
Mais bientôt le vallon de sa robe de fête
Se revêtait ; bientôt, pour en orner ta tête,
Près de la fleur précoce accouraient à la fois
Les innombrables fleurs des côteaux et des bois,
Le muguet odorant, la blanche primerose,
Le bois-joli glacé de sa teinte de rose,
La renoncule d'or, la pervenche d'azur,
Et l'humble violette à l'arôme si pur,
Et tout ce jeune essaim qu'en Avril fait éclore
Un souffle de la brise, un regard de l'aurore :
Filles du gai printemps aux reflets diaprés
Couvrant de leur émail l'émeraude des prés,
Et dont la fleur d'espoir, la blonde Perce-Neige,
Précède, en souriant, le suave cortège.
Jean Baptiste GINDRE DE MANCY